Exceptions au droit d’auteur

Données géospatiales Droit d'auteur Exceptions au droit d'auteur Universités Voix, données

Le droit d’auteur et les données de recherche

Notes de ma présentation lors de l’École d’été sur les humanités numériques de 2022. Vous pouvez visionner ou consulter mes présentations antérieures sur mon carnet.

Parfois, il faut savoir protéger ses droits !

Dans son Petit cours d’autodéfense intellectuelle, Normand Baillargeon offre un vibrant hommage à la pensée critique et à la capacité de raisonnement. Par contre, il n’y offre aucun conseil pour se battre. Car en droit d’auteur, il faut savoir comment ester en justice, en plus de savoir créer !

Le droit d’auteur saisit les créations artistiques, culturelles, créatives ou leur communication, pour échafauder un régime de propriété assorti de toutes sortes de modalités. Pour y faire face, les agents socio-économiques doivent analyser leur communautés, contextes et ressources pour effectuer des choix stratégiques, symboliques et structurants. En ce qui concerne le domaine des données de recherche, me vous propose cette savoureuse lecture de Pablo Jensen: Pourquoi la société ne se laisse pas mettre en équations ainsi que de l’essentiel Vademecum pour la réutilisabilité des données du Consortium Cahier.

Or, il de bon aloi de blâmer le droit d’auteur pour une complexité délétère à l’innovation. Cette prémisse est malheureusement injuste: La complexité autour des enjeux juridiques de tout contexte découle de l’imbrication de divers ordres juridiques, tant publics que privés, de plusieurs facteurs technologiques ou médiatiques liés à l’environnement socio-économique des acteurs impliqués ainsi que le contexte mondialisé de l’ordre économique néolibéral. Pour les données de recherche en humanités numériques, nous nous situons en amont et en aval du processus de la recherche universitaire. Examinons les aspects légaux comme point focal en gardant en tête le système social de notre étude, l’université contemporaine.

1. Le droit d’auteur

Débuts britanniques du copyright au 18e siècle: Statute of Ann (livre, 1710) et l’Acte d’Hogarth (gravure, 1734). Le droit d’auteur Français et la piraterie américaine au 19e siècle. La codification internationale des nouvelles formes médiales depuis… Internet n’est qu’un écho d’une histoire bien connue du droit d’auteur !

1.1 Droit économique et artistique

Propriété

art 3, https://canlii.ca/t/ckj9#art3: protection de l’oeuvre. Produire, reproduire, publier, exécuter en public l’entièreté ou une partie substantielle de la forme exprimée. En 2012, le législateur édicte la «mise à disposition par Internet» comme une méthode d’exécution en public.

art. 6, https://canlii.ca/t/ckj9#art6durée du droit d’auteur. 50 ans après la mort de la créatrice (bientôt 70 ans). Après, l’utilisation n’est plus restreinte par le droit d’auteur et l’oeuvre est dans le domaine public.

Contrats, licences, cessions et toutes les concessions

art 13, https://canlii.ca/t/ckj9#art13possession, cessions et licences. Certaines dispositions sont édictées comme point de départ, mais le droit d’auteur est agnostique quant à la teneur des contrats.

Droit moral et artistique

art 14.1(2) https://canlii.ca/t/ckj9#art14.1: Les droits moraux sont incessibles; ils sont toutefois susceptibles de renonciation, en tout ou en partie. Encore les contrats!

1.2 Autour du droit d’auteur

Limitations

Les limitations édictent une utilisation sans autorisation mais rémunérée. Les Société de gestion collectives (SGC) sont les organisations appelées à gérer les droits sur un corpus homogène d’oeuvres pour une communauté donnée. Copibec gère la réprographie au Québec. Dans l’industrie, on parle des «petits droits» pour ceux gérées par les SGC.

Exceptions

Les exceptions édictent une utilisation sans autorisation et sans rémunération. L’utilisation équitable aux art. 29, 29.1 et 29.2. Le contenu non-commercial généré par les utilisateurs à l’art 29.21. Les Bibliothèques, archives et musées (BAM) aux art. 30.1 et 30.2.

Idées et faits (originalité de l’oeuvre)

Le droit d’auteur protège les oeuvres originales et fixées. Les faits (données) ne sont pas originales à moins que la sélection et l’arrangement de ceux-ci découle du talent, jugement et de l’effort. Une recette n’est pas protégée, à moins de se qualifier comme originale dans la forme qu’elle est exprimée. Les idées ne sont pas protégées par droit d’auteur.

Formes insaisissables (fixation de l’oeuvre)

Certaines formes d’expression artistiques glissent hors de la structure édictée par le droit d’auteur. La danse peut difficilement être fixée (filmer une chorégraphie protège la vidéo produite, pas la danse elle-même). Pour les artistes-interprètes musicaux, une forme de «droit voisin» est édicté. La mode est généralement exclue du droit d’auteur au Canada.

Les savoirs traditionnels et les formes d’expressions autochtones sont des formes glissent également (fort malheureusement) de la structure du droit d’auteur, tout comme le patrimoine vivant

Synthèse

2. Les données saisies par le droit d’auteur

2.1 Sources

Quelles sont les contraintes juridiques sur les sources envisagées ? Le domaine public? Les documents publics? Renseignements personnels? Cadre éthique de la recherche ? Données ouvertes liées ou secret de polichinelles ?

Utilisation équitable dans CCH: (1) le but de l’utilisation; (2) la nature de l’utilisation; (3) l’ampleur de l’utilisation; (4) les solutions de rechange à l’utilisation; (5) la nature de l’œuvre; (6) l’effet de l’utilisation sur l’œuvre. * CCH Canadienne Ltée c. Barreau du Haut-Canada, 2004 CSC 13 (CanLII), [2004] 1 RCS 339, au para 53, <https://canlii.ca/t/1glnw#par53>, consulté le 2022-06-06

2.2 Méthodes

Les faits (données) ne sont pas originales à moins que la sélection et l’arrangement de ceux-ci découle du talent, jugement et du travail.

Voir « idées et faits » sous 1.2

Est-ce que les données sont protégées par droit d’auteur?

Essentiellement, la compilation, pour être originale, doit être une œuvre que son auteur a créée de façon indépendante et qui, par les choix dont elle résulte et par son arrangement, dénote un degré minimal de talent, de jugement et de travail. Ce n’est pas une haute exigence, mais c’en est une. S’il en était autrement, n’importe quel type de choix ou d’arrangement suffirait, puisque ces opérations supposent un certain effort intellectuel. Toutefois, la Loi est claire: seules les œuvres originales sont protégées. Il se peut donc que certaines compilations ne satisfassent pas à ce critère.

Télé-Direct (Publications) Inc. c. American Business Information, Inc., [1998] 2 CF 22, 1997
CanLII 6378 (CAF), <http://canlii.ca/t/4mzd>

En plus du jugement Télé-Direct cité précédemment, voici une petite liste de jugements canadiens sur les questions de propriété des données, en ordre chronologique inversé:

La méthode scientifique est-elle un engin de création d’oeuvres protégées ?

Les types de documents canoniques produits en humanités numériques: thèses, articles et rapports, monographies… mais entre ces documents, il y a des billets, courriels et messages…

Les trois éléments du modèle documentaire en humanités numérique: la notice documentaire; la compilation de notices; et le corpus décrit par les notices.

2.3 Résultats

Quelle version de vos données rendre disponible? À quelle clientèle ?

Plusieurs licences pour le même objet de droit

Les trois soeurs, le plan: de mobilisation des connaissances; de gestion des données de recherche; de libre accès.

3. Perspectives futures

Chantier sur la gouvernance documentaire en humanités numériques:

  • Le plan de moissonnage de sources
  • Le dictionnaire de données, ou comment encode-t-on nos sources en données de recherches
  • La méthode, ou comment on transforme nos données en résultats
  • Le plan de mobilisation et de libre accès

Tous ces éléments doivent figurer dans la Charte d’un projet en HN. Il faut discuter des intentions quant au décorum du projet, notamment pour sa réutilisation.

Note importante: le dictionnaire des données doit spécifier dans quels champs nous inscrivons le statut juridique des oeuvres dans nos corpus. Il s’agit des métadonnées juridiques.

Le cas des jeux vidéo créés dans le cadre de la recherche.

Exceptions au droit d'auteur OMPI Rapport et étude

Étude mondiale sur les exceptions en droit d’auteur

Le blogue InfoJustice.org recense la mise en ligne des résultats d’une étude comparative des exceptions au droit d’auteur dans divers pays à travers le globe :

Flynn, Sean; Palmedo, Michael; Izquierdo, Andrés. « Research Exceptions in Comparative Copyright Law » (2021) PIJIP/TLS Research Paper Series no. 72. https://digitalcommons.wcl.american.edu/research/72

Source: Rapports de recherche du groupe Program on Information Justice and Intellectual Property (PIJIP)

Dans leur étude, Flynn, Palmedo et Izquierdo traitent des domaines suivants:

  • Open research exceptions
  • Restrictions of Research Uses to Quotation and Excerpts
  • Restrictions on Uses, Works and Users
  • Restrictions on Sharing
  • Restrictions to Private Reproduction
  • Restrictions to Institutional Users
  • Restrictions on Types of Works

Fait intéressant à noter, cette étude utilise la base se donnée en libre accès compilée par l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle WIPO LEX qui

donne accès à titre gracieux à des informations juridiques relatives à la propriété intellectuelle dans le monde entier. Effectuez une recherche dans la base de données WIPO Lex pour accéder à 49000 documents juridiques dans nos collections de lois, traités et jugements.

Source: WIPO LEX

Par ailleurs, les auteurs mentionnent le travail d’une équipe qui a produit une étude similaire dans le passée, sans la nommer. Je tiens à souligner l’excellent travail de Kenneth Crews (que j’ai eu l’énorme plaisir de rencontrer lorsque je siégeais sur le « Comité sur le droit d’auteur » de l’IFLA il y a une dizaine d’années). L’étude de Dr. Crews porte sur les exceptions mondiales au profit des bibliothèques.

Voici la référence de l’étude de Dr. Crews:

Study on Copyright Limitations and Exceptions for Libraries and Archives: Updated and Revised (2017 Edition), prepared by Kenneth D. Crews, J.D., Ph.D.

Source: Comité permanent du droit d’auteur et des droits connexes, OMPI
Droit d'auteur Exceptions au droit d'auteur

Vrai/faux pour la séance du 1er février

  1. En général, les sociétés de gestion collective concèdent des licences non-exclusives sur les oeuvres figurant dans leur répertoire.
  2. La licence Creative Commons « Share Alike » (Partage dans les Mêmes Conditions) impose l’utilisation de la même licence pour l’oeuvre ainsi créé.
  3. Il est possible d’intenter un recours à la Cour des petites créances pour un litige en droit d’auteur.
  4. Les sociétés de gestion collective permettent d’automatiser la collecte de revenus pour les titulaires des oeuvres inscrites dans leur répertoire.
  5. Les licences Creative Commons sont des cession de droit.
  6. Les sociétés de gestion collectives sont les propriétaires des oeuvres dans leur répertoire.
  7. Les sociétés de gestion collective permettent de standardiser et automatiser les transactions en droit d’auteur.
  8. Utiliser une image pigée dans Internet peut coûter des milliers de dollars si on se fait pincer par le titulaire.
  9. Copibec est une société de gestion collective dans le domaine de la radio.
  10. Une licence non-exclusive confère généralement un droit de propriété sur une oeuvre.
  11. La licence Creative Commons « CC-BY » (Creative Commons Attribution) est la plus restrictive de toutes les licences Creative Commons.
  12. Je peux faire n’importe quoi avec toutes les images sous licence Creative Commons, comme la publier dans un livre.
  13. Il faut un corpus d’oeuvre bien délimité, que l’on appelle répertoire, et une entente quant à la portée et la valeur de cette utilisation dans une licence pour que la la gestion collective soit efficace.
  14. Je deviens propriétaire des droits d’auteurs lorsque je télécharge une oeuvre sous licence Créative Commons.
  15. Les licences Creative Commons ont une portée internationale.
  16. La Commission du droit d’auteur du Canada peut homologuer les tarifs ou les licences des sociétés de gestion collective.
  17. Creative Commons est une société de gestion collective.
  18. Je peux négocier le prix d’une licence proposée par une société de gestion collective.
  19. Les licences Creative Commons existent surtout pour faciliter le partage sans rémunération.
  20. Les mutations et nouvelles pratiques liées aux technologies de l’information et des communications perturbent les opérations des sociétés de gestion collectives.
  21. Les licences Creative Commons sont un exemple d’une licence à durée indéterminé, voire à portée perpétuelle dans certains cas.
  22. Les trois « couches » des licences Creative Commons sont: une version lisible par les ordinateurs, une version lisible par les avocats et une version lisible par les citoyens.
  23. Un photographe qui diffuse ses oeuvres en Creative Commons perd tous ses droits de recours pour les utilisations qui sont toujours réservés.
  24. Il est indispensable d’inscrire le sigle « (c) » sur une oeuvre pour qu’un droit d’auteur subsiste.
Droit d'auteur Exceptions au droit d'auteur

Bonjour COM 5003 !

Sélection de livres sur le thème juridico-numérique (Source: CultureLibre.ca)

J’ai l’énorme plaisir (et honneur!) d’annoncer que je vais enseigner le cours COM 5003 – Création web et propriété intellectuelle à l’Université du Québec en Outaouais cet hiver 2021. La formule sera, bien sûr, l’enseignement à distance, une option qui se prête particulièrement bien aux objectifs du cours.

J’ai une « solide » ébauche de plan de cours, ici: https://www.culturelibre.ca/com5003/

Je dois encore clarifier plusieurs éléments. Il risque de n’être finalisé qu’à 18h59 le 4 janvier 2021, moment auquel le cours débute. Ceci dit, il y a d’ores et déjà assez d’éléments pour voir où je m’en vais avec mes skis. Vos commentaires sont bienvenus, voire souhaités!

Je compte diffuser librement beaucoup d’éléments du cours tout en mobilisant mon site Moodle pour les échanges privés avec les étudiant.e.s inscrit.e.s au cours. Il y aura donc un tandem entre mon Moodle & mon carnet, la ligne de démarcation sera une articulation bien personnelle de ce que je considère comme privée (les échanges avec les personnes inscrites, leurs ébauches de travaux) et ce que je peux légitimement diffuser (surtout le contenu d’apprentissage que je vais créer).

C’est peut-être ambigu mais je veux évoquer ma sensibilité au respect du caractère confidentiel des échanges entre les participants du cours et la nature « diffusable » de mes écrits. Il s’agit de ma propre réflexion sur le recours aux médias sociaux dans l’enseignement. Je me réjouis d’avoir l’opportunité de réfléchir à ces questions sur un plan phénoménologique…

Sur un autre ordre d’idées, j’espère que des créatrices et créateurs Québécois puissent bénéficier de mon contenu diffusé librement. Je vais communiquer avec cette communauté par le truchement certains groupes Facebook. Je vais solliciter leurs commentaires pour valider mes choix pour le contenu intellectuel du cours (e.g. inviter des commentaires sur le plan de cours une fois que l’horaire hebdomadaire des contenus sera organisé).

Justement, je vais diffuser les bribes pendant la session sur le fil régulier de mon carnet, à cette adresse: https://www.culturelibre.ca/tag/com5003/

Pour ce qui est des travaux et évaluations, j’ai ajusté le module d’évaluation des apprentissages suite aux commentaires reçus du comité de sélection: une bonne proposition pour des travaux pratiques, qui vont mener mes étudiant.e.s vers l’édification du travail final. Il y aura deux ou trois quizz, choix multiples ou vrai/faux par l’entremise du module de Moodle. Nous pratiquerons les choix multiples lors des sessions synchrones.

Pour les lectures, j’écume catalogues et banques de données pour trouver des perles. J’organiserai cet aspect pendant les fêtes. Je peux confirmer que mon objectif d’offrir un expérience d’apprentissage « gratuite » (aucun frais pour les lectures) est maintenue.

Bibliothécaire Conférence CultureLibre.ca Droit d'auteur Écoles Enfant Enseignant Exceptions au droit d'auteur Livre et édition Loi ou règlement Québec

Quelques sources juridiques pour le livre numérique en milieu scolaire au Québec

Je prépare une présentation pour le colloque Autour de l’adulte de demain, qui a lieu cette semaine à la Grande Bibliothèque. Voici quelques sources et documents pertinents, autour des grandes thématiques du droit du livre numérique, au delà du droit d’auteur.

Pour débuter, voici une liste de ressources et autres éléments dans l’univers du Gouvernement du Québec :

Copibec propose plusieurs ressources, dont cette liste de pages concernant la Loi sur le droit d’auteur et l’utilisation d’oeuvres en classe.

L’APSDS a produit une Foire aux questions sur le droit d’auteur en milieu scolaire du Québec. J’ai collaboré à ce chantier de l’Association pour la promotion des services documentaires scolaires de 2012 à 2014.

À noter, aussi, dans le domaine général du droit du livre:

Art contemporain Conférence Exceptions au droit d'auteur Montréal Utilisation équitable

L’art artificiel en cour

Basanta (gauche) Chamandy (droite). Source: Goodmans IP 29 oct. 2018. Reproduit et diffusé pour des fins d’utilisation équitable (tels que: éducation, communication de nouvelles, critique et compte rendu)

Le 23 novembre prochain aura lieu la Conférence Les Cahiers de Propriété Intellectuelle: droit + Intelligence artificielle, à laquelle je me suis empressé de m’inscrire. Mais ce matin, j’ai pu entendre ce qui me semble être une des première action en justice entre deux artistes à cause d’une oeuvre générée par algorithme.

La source provient de l’épisode 409 de CBC Spark par Nora Young, une émission scientifico-gook-numérique du radiodiffuseur national anglophone (Canadian Broadcasting Corporation). Le segment débute à 10 minutes de l’épisode 409 et dure une vingtaine de minutes.

Amel Chamandy, artiste, galériste et donatrice au MBAM (source), contre Alain Basanta, artiste et chercheur à Hexagram (Concordia). Basanta explore l’utilisation d’une IA pour créer de l’art et une des oeuvres, selon Chamandy, plagie une des siennes. L’expo de Basanta en cause se nomme All we even need is one another.

En plus de quelques détails et des entrevues de Basanta et la lecture d’une déclaration de l’avocat de Chamandy, Nora Young, l’animatrice de l’émission Spark de CBC, offre une entrevue du professeur Jeremy deBeer. À lire aussi, cette note sur le blogue de la CBC Radio.

Pour voir les images, je vous invite d’accéder à cet article du Globe and Mail.
Nous y apprenons que l’avocat de Chamandy se nomme Me Pascal Lauzon et Chamandy est exposée à la galerie NuEdge. Voir aussi ce billet de Goodman IP, une firme d’avocats de Toronto.
Exceptions au droit d'auteur Jugement Livre et édition Québec Universités

Entente à l’amiable entre l’Université Laval et Copibec

Selon un communiqué émis par l’Université Laval via le site CNW, Copibec et l’Université Laval concluent une entente hors cour en matière de droits d’auteurs. Bien sûr, il faudra attendre encore un peu pour obtenir les détails de cette entente – il faut être prudent et patient avant d’analyser la situation.

 

Voici le texte complet du communiqué de presse, une utilisation équitable de ce contenu protégé par le droit d’auteur pour communication de nouvelle:

 

QUÉBEC, le 19 juin 2018 /CNW Telbec/ – Copibec et l’Université Laval annoncent qu’elles entendent mettre un terme définitif au litige qui les oppose concernant la gestion des droits des auteurs dans le cadre des activités d’enseignement et de recherche de l’Université Laval.

Au terme de leurs échanges, les parties ont conclu une entente à l’amiable, laquelle demeure cependant sujette à l’approbation de la Cour. Les modalités exactes de cette entente seront donc rendues publiques ultérieurement, après que la Cour ait eu l’opportunité de les examiner.

Cette entente de règlement hors cour a été conclue sans admission quelconque, dans le but d’éviter des frais et déboursés additionnels importants pour toutes les parties, lesquelles préfèrent consacrer leurs énergies et leurs ressources à la défense des droits des auteurs dans la perspective de leur mission respective.

Copibec et l’Université Laval sont heureuses d’avoir trouvé une solution à l’amiable à leur différend qui, à leur avis, respecte à la fois les besoins du milieu universitaire et les droits des titulaires de droits d’auteur. Elles reconnaissent toutes deux que la gestion collective offre des avantages et favorise la liberté académique.

Veuillez prendre note que Copibec et l’Université Laval n’émettront pas de commentaires additionnels avant l’approbation de l’entente par la Cour.

Exceptions au droit d'auteur Livre et édition Pétition Québec Revendication Utilisation équitable

Pourquoi je vais m’exclure du recours collectif de Copibec c. l’Université Laval

À titre d’auteur de textes publiés, je me qualifie comme membre au recours collectif de Copibec c. l’Université Laval. Je vais envoyer le formulaire de désistement pour m’exclure du recours collectif au greffier de la cour et à l’adresse de Copibec avant le 15 octobre. Je désire, dans les paragraphes qui suivent, expliquer quelques arguments qui motivent mon geste, que je désire être un appui envers l’Université Laval.

Avant de continuer, j’invite la communauté universitaire à se joindre à moi et de s’exclure du recours collectif. Pour ce faire, il suffit d’envoyer formulaire disponible sur le site de Copibec au greffier de la cour – l’adresse postale y est indiquée:

http://copibec.ca/medias/files/Action_collective/Formulaire-exclusion.pdf

Mon geste est motivé par deux raisons : ce recours ignore des réalités commerciales du milieu académique et s’avère une entrave sévère à la liberté intellectuelle et académique, des dimensions de la liberté d’expression.

1. Réalités commerciales de l’édition académique

Malgré ce que Copibec reproche à l’Université Laval, celle-ci a dépensé en 2014-15 pour 12,6 millions de dollars en sources documentaires, dépassée au Québec uniquement par McGill (à 18,9 millions de dollars). À titre de référence, les universités du Québec ont dépensé plus de 63 millions de dollars en ressources documentaires, tandis que le montant s’élève à 311 millions pour toutes celles du Canada. Quant à elles, les bibliothèques publiques du Québec dépensent une trentaine de millions de dollars et les ménages québécois dépensent plus d’un milliard en livres, journaux et revues. Plus des deux tiers de ces fonds servaient (70% pour le Québec), en 2012-2013, à l’acquisition de collections numériques (le BCI ne distingue plus entre l’imprimé et le numérique dans ses statistiques annuelles tant le numérique prend la part du lion des budgets d’acquisition).

La différence fondamentale entre une collection imprimée et une collection numérique est simple à comprendre. Une collection numérique est acquise sous licence, où sont stipulés les droits d’utilisation comme la photocopie et la diffusion aux étudiants par les environnements d’apprentissage numérique. Pour l’imprimé, il faut se fier à la loi et aux licences des sociétés de gestion collective. Ces dernières années, les éditeurs scientifiques ont par ailleurs offert des bouquets numériques des collections déjà acquises en format papier – surtout pour les revues scientifiques. Oui, les bibliothèques universitaires ont acheté de nouveau en numérique une partie non-négligeable de ce qu’elles possédaient déjà en format papier.

Ainsi, la proportion de l’imprimé (nécessitant une licence Copibec) fond dans les acquisitions régulières d’une bibliothèque universitaire québécoise moyenne. La part du numérique, acquis avec une licence qui s’apparente à ce que Copibec offre, explose. Et la nouvelle donne implique que le droit d’accès, introduit par le législateur en 2012 au profit de l’industrie, s’opère avec une licence pour utiliser une œuvre numérique.

En fait, le consommateur de contenu numérique vit la même réalité : toutes les plateformes offrant des œuvres protégées par le droit d’auteur en format numérique le font toujours après avoir consenti à une licence numérique. Vous lisez un livre sur Kindle? Vous avez dit oui à Amazon. Idem pour Netflix, iTunes, Google Play, Steam… Les citoyens ont le loisir d’ignorer les termes de ces licences, les professionnels de l’information – vos bibliothécaires, technicien.ne.s en documentation et commis qui travaillent dans l’ombre – elles, les lisent et les négocient en votre nom.

Résumons la situation avec l’équation suivante. Peu importe le format ou le type de contenu :

Utilisation = document + droit

 

Dans le monde papier, l’équation était :

Recueils de cours vendus aux étudiants =
collection papier d’une bibliothèque universitaire
+ licence Copibec

Dans le monde de l’édition savante numérique, la réalité que je vis et que j’ai étudiée est :

Utilisation =
document numérique directement de l’éditeur
+ licence d’utilisation directement de l’éditeur
(Souvenez-vous que les bibliothèques ont migré leurs collections vers le numérique et acquièrent massivement des collections numériques)

Notez que sans la licence d’utilisation de l’éditeur, il est IMPOSSIBLE d’acquérir un document numérique. Il ne faut pas la tête à Papineau pour comprendre que la valeur d’une licence avec Copibec, pour une université québécoise moyenne TEND VERS ZÉRO. Pourquoi? Car la proportion d’œuvres proposées dans nos collections sous licence (donc, numériques) explose. En fait, je crois que l’Université Laval est l’une des seules universités québécoises à avoir effectué un travail bibliothéconomique rigoureux. Toutes les autres universités québécoises refilent la facture de la licence Copibec aux étudiants par les frais afférents, donc l’urgence d’attaquer la doxa dominante du droit d’auteur ne se fait pas sentir.

Si j’ose résumer la position de Copibec, l’équation fondamentale de l’accès en bibliothèque serait :

Utilisation =
le document vient d’on ne sait où, peut-être de ce qui reste de la collection papier
+ usurpation des droits d’auteurs par l’utilisation équitable

Cette affirmation comporte une belle fiction qui ne reflète pas la réalité quotidienne de mon travail. Mes recherches doctorales confirment par une analyse empirique ce que je vis au travail.

En fait, le recours à l’utilisation équitable est en soit une exception! Encore évoquant la tête à l’illustre Papineau, un titulaire diligent et raisonnable aura vite compris l’intérêt de ses clients pour le numérique et aurait dû travailler à offrir une solution intéressante… Numériser une œuvre coûte des sous. Imaginez toutes ces universités qui numérisent à la volée dans le cadre d’une exception au droit d’auteur comme l’utilisation équitable – le titulaire pourrait numériser une seule fois et revendre la même copie à toutes les universités… du monde! Il s’agit là d’une des recettes secrètes des gros éditeurs savants du monde.
Si le Parlement Canadien a édicté une panoplie de nouvelles exceptions dans la Loi sur le droit d’auteur en 2012, il a également édicté un nouveau droit au profit des titulaires : celui de rendre accessible dans Internet. Les universités du Québec – et surtout l’Université Laval – ont diligemment suivi le pas du monde de l’édition savante pour embrasser le numérique. Je crois que la faute ne repose pas sur les épaules de l’Université Laval mais que Copibec plaide, en réalité, une forme de turpitude commerciale. De plus, je crois que le milieu culturel transpose sa propre réalité à celle du monde académique. Les externalités et défaillances de marché d’un domaine ne sont pas les mêmes que dans l’autre, bien que le droit d’auteur les gouverne tous.

Il serait plus pertinent de comprendre l’utilisation équitable comme un investissement de la part du secteur public dans l’appropriation des ficelles des marchés et systèmes sociaux qui émergent du numérique. Les bibliothèques universitaires, de concert avec les professeurs, étudiants, technopédagogues et autres collaborateurs, analysent les besoins de leurs clientèles et tentent d’organiser les systèmes économiques et sociaux autour des œuvres numériques. Nous transférons cette connaissance à l’industrie par le biais de licences négociées ou par les exceptions. Dans les deux cas, l’opportunité appartient à celle qui capte le message et s’adapte en conséquence. Copibec devrait proposer une offre commerciale en lien avec nos besoins – actionner les bibliothèques démontre une incompréhension désolante des tendances lourdes du milieu de l’édition savante et des marchés universitaires.

Qu’a fait le cheval face à l’avènement de l’automobile…? Darwin et Schumpeter offrent des pistes de solutions.

Il ne s’agit pas juste de mon évaluation professionnelle de la situation, mais de la conclusion de ma thèse doctorale (que je défendrai le 15 septembre prochain).

2. Liberté intellectuelle et académique, une dimension de la liberté d’expression

J’ai développé le lien entre la liberté intellectuelle, académique et la liberté d’expression dans un chapitre de livre traitant du libre accès, disponible dans le dépôt institutionnel de l’Université Concordia, qui fut publié dans le Handbook of Intellectual Freedom. Tous les auteurs de cette monographie furent primés pour leur travail par la Intellectual Freedom Round Table de la American Library Association. Dans ce texte, je dis:

There is a clear consensus in the literature that intellectual freedom is directly linked with freedom of expression, the press and to access and use information and that it is a core value of librarianship. Gorman famously stated that:

“In the United-States, [intellectual freedom] is constitutionally protected by the First Amendment to the Constitution, which states, in part, “Congress shall make no law respecting an establishment of religion or prohibiting the free exercise thereof; or abridging freedom of speech, or of the press.” There is, of course, no such thing as an absolute freedom outside the pages of fiction and utopian writings, and, for that reason, intellectual freedom is constrained by law in every jurisdiction.” (2000, p. 88)

Gorman continues to state that rarely are proponents “for” or “against” intellectual freedom, but they articulate their views in absolute or relative terms. On these issues, Hauptman (2002 p. 16-29) as well as and McMenemy, Poulter and Burton (2007) offer additional evidence and insight. The link between intellectual freedom and censorship is obvious.

Intellectual freedom is also linked with Article 19 of the United Nation’s Universal Declaration of Human Rights, which states:

“Everyone has the right to freedom of opinion and expression; this right includes freedom to hold opinions without interference and to seek, receive and impart information and ideas through any media and regardless of frontiers.” (1948)

Samek (2007, p. 9-11) provides an account of how various groups, such as United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization (UNESCO) and the International Federation of Library Associations and Institutions (IFLA) have further articulated the concept of intellectual freedom in various initiatives and declarations.

Barendt offers an interesting distinction between academic freedom, a well-known right professors enjoy in universities, and intellectual freedom:

“[a]cademic freedom is not identical to intellectual freedom or to freedom of the mind. Intellectual freedom is a right to which we are all entitled, wherever we work. Like freedom of speech or expression, it is a general right belonging to all citizens.” (2010, p. 38)

In discussing how intellectual freedom and freedom of expression are intertwined, Krug further articulates, in light of librarianship, that:

“all people have the right to hold any belief or idea on any subject and to express those beliefs or ideas in whatever form they consider appropriate. The ability to express an idea or a belief is meaningless, however, unless there is an equal commitment to the right of unrestricted access to information and ideas regardless of the communication medium. Intellectual freedom, then, is the right to express one’s ideas and the right of others to be able to read, hear or view them.” (2006, p. 394-5)

From these points, we can draw a common thread for intellectual freedom, namely that it is universal in enshrining our right to access and use information. In light of this, intellectual freedom intersects or overlaps with open access in that the former is promoted as a way to maximize or optimize access and use of digital documents and information while the latter expresses a fundamental right of the same vein.

Je crois que l’action de Copibec, bien que conforme sur le strict point de vue légal, impose un fardeau démesuré et illégitime à nos droits fondamentaux.

3. Annexe statistiques

– Les Universités québécoises, par le biais de leurs bibliothèques, ont dépensé un peu moins de 70 millions de dollars pour l’acquisition de ressources documentaires en 2014-15. (source : BCI)

– Les bibliothèques universitaires canadiennes ont dépensé plus de 311 millions de dollars en acquisitions documentaires (source : CARL/ABRC 2014/15)

– Pour comparer, les ménages québécois ont dépensé 657 millions de dollars en livres (3 milliards au Canada) et 417 millions de dollars en journaux et publications périodiques (un peu moins de 2 milliards an Canada) en 2015 (source : Statistique Canada. Tableau 384-0041 – Dépenses de consommation finale des ménages détaillées, provinciaux et territoriaux, annuel (dollars), CANSIM (base de données). (site consulté : le 7 septembre 2017)

– Pourcentage d’acquisitions en format numérique : L’année 2012-2013 fut la dernière où le sous-comité des bibliothèques du Bureau de coopération interuniversitaire distinguait les dépenses pour les sources numériques et l’imprimé. Il s’élève alors à près du trois-quarts pour le numérique. La part du numérique ne cesse d’augmenter depuis, parole de bibliothécaire universitaire avec plus de 14 ans de métier.

 

4. Sources

Barendt, E. M. 2010. Academic freedom and the law : A comparative study. Oxford ; Portland, Or.: Hart Pub.

Gorman, Michael. 2000. Our enduring values : Librarianship in the 21st century. Chicago: American Library Association.

Hauptman: préface de Buchanan, Elizabeth A., and Kathrine Henderson, eds. 2009. Case studies in library and information science ethics. Jefferson, N.C.: McFarland & Co.

Krug, Judith F. 2006. Libraries and the internet. Chap. 7.3, In Intellectual freedom manual, ed. Office for Intellectual Freedom. 7th ed., 394. Chicago: American Library Association.

McMenemy, David, Alan Poulter and Paul F. Burton. A handbook of ethical practice : a practical guide to dealing with ethical issues in information and library work. Oxford : Chandos, 2007.

Samek, Toni. 2007. Librarianship and human rights : A twenty-first century guide. Oxford, England: Chandos.