Bibliothèques Municipalités Québec Réforme
De la disparition des bibliothèques publiques au Québec
Olivier Charbonneau 2013-11-20
On le sait, les billets sur les blogues doivent avoir des titres accrocheurs pour attirer des lecteurs. Vous allez voir que je suis coupable de cet affront intellectuel.
Je viens de constater qu’en 2005, nos élus provinciaux ont évacués les références spécifiques aux bibliothèques publiques dans les lois municipales du Québec. Il n’est maintenant question que de « services culturels, récréatifs ou communautaires » sans précisions.
En droit administratif dans une juridiction civile, il est généralement admit que tout est interdit sauf ce que la loi permet. Alors, si un organe de l’état pose un geste, il doit y avoir une source juridique. Comme pour l’établissement d’une bibliothèque publique dans une municipalité.
J’avais souvenir que la Loi sur les cités et villes (LRQ, c C-19) et le Code municipal du Québec (LRQ, c C-27.1) édictaient des responsabilités particulières aux villes, villages, cités et autres agglomérations municipales québécoises pour l’établissement de bibliothèques publiques. Une petite recherche dans mon moteur de recherche juridique préféré (et gratuit) m’a indiqué que cette référence fut abrogée en 2005. Enquête.
En mai 2005 était sanctionnée la Loi sur les compétences municipales (LQ 2005, c. 6, projet de loi 62) où notre Assemblée nationale a abrogé les articles 471 et suivants de la Loi sur les cités et villes (LQ 2005, c.6 a. 194) et les articles 524.1 à 524.3.1 du Code municipal du Québec (LQ 2005 c. 6 a. 214). À la fin de ce billet, j’ai recopié les versions antérieures de ces lois pour comparaison.
Selon la ministre Normandeau, l’objectif de la réforme était de généraliser les pouvoirs des municipalités, d’en retirer la spécificité. Vous pouvez visiter la page des consultations du projet de loi 62 sur le site de l’Assemblée nationale, mais la réunion du 14 avril 2005 est celle où les points concernant la culture furent débattus et votés.
Or, nos élus ont cru bon retirer toute référence spécifique aux bibliothèques, maisons de la culture, des musées publics, des centres d’expositions, des centres d’interprétation du patrimoine et des salles de spectacle.
Voici le texte de la nouvelle Loi sur les compétences municipales (LRQ, c C-47.1)
CHAPITRE II
CULTURE, LOISIRS, ACTIVITÉS COMMUNAUTAIRES ET PARCS
7. Toute municipalité locale peut réglementer les services culturels, récréatifs ou communautaires qu’elle offre et l’utilisation de ses parcs.
2005, c. 6, a. 7.
7.1. Toute municipalité locale peut confier à une personne l’exploitation de ses parcs ou de ses équipements ou lieux destinés à la pratique d’activités culturelles, récréatives ou communautaires.
Tout contrat visé au premier alinéa peut également prévoir que la personne assure le financement des travaux effectués en vertu du contrat. Dans un tel cas, la Loi sur les travaux municipaux (chapitre T-14) ne s’applique pas à ces travaux.
2005, c. 50, a. 104.
8. Toute municipalité locale peut, sur son territoire ou à l’extérieur de celui-ci, après avoir avisé la municipalité concernée, établir ou exploiter un équipement culturel, récréatif ou communautaire avec un organisme à but non lucratif, une commission scolaire ou un établissement d’enseignement.
Elle peut également, à l’extérieur de son territoire, accorder une aide à une personne pour l’établissement et l’exploitation d’équipements et de lieux publics destinés à la pratique d’activités culturelles, récréatives ou communautaires.
2005, c. 6, a. 8.
Quelle est la conséquence de cette modification législative ? Est-ce que cette généralisation va porter préjudice aux services culturels municipaux du Québec ?
Ces questions m’interpellent car il s’agit d’impacts sociaux découlant de modifications juridiques. Peut-être simplement, on verra que le droit n’a pas d’impact sur l’évolution des bibliothèques publiques au Québec. Je l’espère! Nous avons certainement besoin de plus d’études sur la structure culturelle québécoise, comme cette étude récente sur le modèle québécois de la culture…
J’ai espoir de croire que les citoyens vont continuer de croire en l’intérêt d’avoir des bibliothèques municipales à la grandeur de la province. Mais de l’espoir civique survient le doute du chercheur…
En fait, peut-être s’agit-il d’un exemple de droit souple. Selon un rapport récent du Conseil d’état du gouvernement français, le droit souple comprend trois dimensions, à la p. 5/29 :
– ils ont pour objet de modifier ou d’orienter les comportements de leurs destinataires en suscitant, dans la mesure du possible, leur adhésion ;
– ils ne créent pas par eux-mêmes de droits ou d’obligations pour leurs destinataires ;
– ils présentent, par leur contenu et leur mode d’élaboration, un degré de formalisation et de structuration qui les apparente aux règles de droit.
Voir aussi cet article dans la revue scientifique Jurisdoctoria concernant le droit souple et le commerce électronique.
L’idée est de diminuer l’inflation législative (des longues lois complexes) grâce à des lignes directrices et autres éléments découlant de groupes sociaux. Ainsi, cette généralisation de la loi la simplifie mais il fait maintenant regarder ailleurs pour retrouver les sources juridiques adéquates pour l’activité règlementaire de l’état.
Par exemple, on pourrait penser qu’il incombe maintenant à l’Association des bibliothèques publiques du Québec de proposer des lignes directrices pour l’articulation en droit règlementaire municipal des activités des bibliothèques publiques sur son territoire.
C’est pour dire que s’il s’agit d’un exemple de droit souple au Québec, ou à proprement parler d’une généralisation en droit, il faut obtenir l’information sur le cadre règlementaire adéquat ailleurs que dans la loi.
VERSIONS ANTÉRIEURE DES LOIS
Loi sur les cités et villes, LRQ, c C-19 – version en date du 5 déc. 2005
§ 25. — Des bibliothèques publiques
Rôle.
471. Le conseil peut, par règlement, établir et maintenir sur le territoire de la municipalité des bibliothèques publiques dont les fins sont notamment la conservation, la consultation et le prêt des documents publiés ainsi que l’information et l’animation d’activités reliées à la lecture.
S. R. 1964, c. 193, a. 477; 1992, c. 65, a. 26.
Règles de fonctionnement.
471.0.1. Le conseil peut, par règlement, établir les règles relatives au fonctionnement de ces bibliothèques de même que les conditions d’utilisation par le public des services qu’elles offrent.
1992, c. 65, a. 26.
Aide du conseil.
471.0.2. Le conseil peut, aux conditions qu’il détermine, aider à l’établissement et au maintien de bibliothèques publiques sur le territoire de la municipalité ou sur celui qui y est contigu.
1992, c. 65, a. 26.
Bibliothèques publiques.
471.0.2.1. La municipalité peut conclure, seule ou avec une autre municipalité, des ententes avec toute commission scolaire ou tout établissement d’enseignement pour établir et maintenir en commun des bibliothèques publiques sur le territoire de la municipalité ou sur celui qui y est contigu.
1997, c. 93, a. 59.
§ 25.0.1. — Des maisons de la culture, des musées publics, des centres d’expositions, des centres d’interprétation du patrimoine et des salles de spectacle
Responsabilité du conseil.
471.0.3. Le conseil peut, par règlement, établir et maintenir sur le territoire de la municipalité des maisons de la culture, des musées publics, des centres d’expositions, des centres d’interprétation du patrimoine et des salles de spectacle.
1992, c. 65, a. 26.
Responsabilité du conseil.
471.0.4. Le conseil peut, aux conditions qu’il détermine, aider à l’établissement et au maintien de maisons de la culture, de musées publics, de centres d’expositions, de centres d’interprétation du patrimoine et de salles de spectacle sur le territoire de la municipalité ou sur celui qui y est contigu.
Code municipal du Québec, LRQ, c C-27.1 – version en date du 5 décembre 2005
SECTION VII.1
DES BIBLIOTHÈQUES PUBLIQUES
524.1. Toute municipalité locale peut, par règlement, établir et maintenir sur son territoire des bibliothèques publiques dont les fins sont notamment la conservation, la consultation et le prêt des documents publiés ainsi que l’information et l’animation d’activités reliées à la lecture.
1992, c. 65, a. 28.
524.2. La municipalité locale peut, par règlement, établir les règles relatives au fonctionnement de ces bibliothèques de même que les conditions d’utilisation par le public des services qu’elles offrent.
1992, c. 65, a. 28.
524.3. Toute municipalité locale peut, aux conditions qu’elle détermine, aider à l’établissement et au maintien de bibliothèques publiques sur le territoire de la municipalité ou sur celui qui y est contigu.
1992, c. 65, a. 28.
524.3.1. Toute municipalité locale peut conclure, seule ou avec une autre municipalité locale, des ententes avec toute commission scolaire ou tout établissement d’enseignement pour établir et maintenir en commun des bibliothèques publiques sur le territoire de la municipalité ou sur celui qui y est contigu.
1997, c. 93, a. 75.
SECTION VII.2
DES MAISONS DE LA CULTURE, DES MUSÉES PUBLICS, DES CENTRES D’EXPOSITIONS, DES CENTRES D’INTERPRÉTATION DU PATRIMOINE ET DES SALLES DE SPECTACLE
524.4. Toute municipalité locale peut, par règlement, établir et maintenir sur son territoire des maisons de la culture, des musées publics, des centres d’expositions, des centres d’interprétation du patrimoine et des salles de spectacle.
1992, c. 65, a. 28.
524.5. Toute municipalité locale peut, aux conditions qu’elle détermine, aider à l’établissement et au maintien de maisons de la culture, de musées publics, de centres d’expositions, de centres d’interprétation du patrimoine et de salles de spectacle sur son territoire ou sur celui qui y est contigu.
1992, c. 65, a. 28.
Accès à l'information Municipalités Québec
OyezOyez.ca – accès à l'info municipale
Olivier Charbonneau 2011-03-11
La firme Montréalaise LexUM.com annonce avec fierté l’ajout des deux premières municipalités sur le site d’accès à l’information municipale OyezOyez.ca:
Le site Oyez Oyez, dont la mission est de faciliter l’accès à la règlementation municipale québécoise, est heureux de souhaiter la bienvenue aux deux premières municipalités membres du site: Sainte-Adèle et Sainte-Catherine. En tant que municipalités membres, le personnel municipal et les citoyens de ces municipalités profitent d’une zone personnalisée où reglements, procès-verbaux, ordres du jour des réunions du conseil municipal et autres documents publics sont rendus disponibles et mis-à-jour de facon régulière par l’équipe éditoriale de Lexum. Cliquez ici pour une démo ou visitez OyezOyez.ca pour de plus amples renseignements.
Il s’agit d’une initiative de LexUM.com, « une compagnie québécoise fondée en avril 2009 afin de poursuivre les activités du Laboratoire Lexum de l’Université de Montréal lui-même fondé par Daniel Poulin en 1992. » Ils font dans la diffusion libre du droit sur Internet (voir www.canlii.ca, un de leur projet phare) et maintenant, ils veulent aider les municipalités à diffuser leur documentation et leur règlements sur Internet – au profit des citoyens.
Je leur souhaire un « effet réseau » foisonnant – témoignant de l’externalité fortement positive de la mutualisation de l’information. Ou, plus il y a de l’information, plus on y gagne !
Je dois mentionner que j’ai complété mon mémoire de maîtrise sous la direction de Daniel Poulin en 2008 et le Laboratoire LexUM m’a accueilli lors de ma sabbatique de recherche en 2009-2010. LexUM et son équipe aident à créer un monde meilleur pour tous grâce à l’infomation juridique libre !
Contenu culturel Municipalités Québec Rapport et étude
6% des budgets municipaux à la culture
Olivier Charbonneau 2009-02-05
L’Observatoire de la culture et des communications du Québec annonce la diffusion de son bulletin Statistiques en bref no 44 intitulé « Les dépenses culturelles des municipalités en 2006 » – selon le communiqué,
Les municipalités du Québec de plus de 100 000 habitants consacrent à la culture plus de 6 % de leurs dépenses totales de fonctionnement pour l’année 2006. De leur côté, les petites municipalités enquêtées font pour leur bibliothèque un effort financier relatif beaucoup plus important que les municipalités plus populeuses.
Ces données pour l’année 2006 proviennent d’un projet pilote de mesure des dépenses des municipalités au titre de la culture.
L’objectif du projet était d’élaborer et d’appliquer une méthodologie de mesure des dépenses municipales en matière de culture. Cette méthodologie, tout en restant cohérente avec les données comptables déjà disponibles, permet d’obtenir des statistiques plus détaillées sur la nature des dépenses culturelles que font les municipalités. À la suite de ce travail concluant, une enquête portant sur les dépenses au titre de la culture de l’ensemble des municipalités québécoises a été mise en place, et les résultats pour l’année 2007 seront publiés dans les prochains mois.
Les bulletins Statistiques en bref, dont la périodicité est irrégulière, sont disponibles gratuitements via Internet. Le no 44, daté février 2009 et intitulé « Les dépenses culturelles des municipalités en 2006 » propose 20 pages d’analyses sur le sujet.