Livre et édition | Page 5

Conférence Livre et édition Montréal Numérisation

Réflexions pour la table ronde sur Google Books

Voici quelques réflexions, issues de mes travaux doctoraux, que j’ai partagé avec mes co-intervenants dans le cadre de la table ronde du Festival international des films sur l’art le 25 mars prochain :

En fait, peut-être pourrais-je proposer une piste additionnelle : celle de l’émergence d’une nouvelle modalité de diffusion de la culture, celle de l’accès par Internet. Cela peut sembler trivial de recenser ce point mais, je crois que le projet Google Books est l’exemple parfait pour parler de la distinction fondamentale entre deux droits réservés par la Loi sur le droit d’auteur, soient la publication contre la mise à disposition par internet ou l’accès par internet. La publication dépend du rôle social de l’éditrice et par extension de la libraire et de l’auteure. L’accès, quant à elle, est un phénomène complètement nouveau et le documentaire illustre comment certains agents sociaux appréhendent les risques de l’entrée d’un géant comme Google dans l’arène commerciale et sociale de l’édition. La tension se cristallise par l’approche vouée à l’accès (mise en ligne, traitement égal de toutes ressources, identification algorithmique, etc) par rapport aux expériences millénaires de la pratique de l’édition (un travail humain, relationnel, de longue haleine, diffusion par copie, coûts et risques différents).

La tension entre la publication et l’accès peut se comprendre si l’on analyse trois archétypes du milieu du livre ou de la culture en général : l’auteure (ou la créatrice), « l’industrie » et les lectrices (ou les utilisateurs). Si le modèle de l’accès est encore en émergence, celui de la publication est stable depuis des centaines d’années, nonobstant le bousculement numérique. Mes travaux doctoraux me permettent de dégager que l’accès s’opère plus souvent qu’autrement par une licence ou un contrat associé à l’œuvre. Celui de la publication découle de pratiques qui se sont sédimentées avec le temps, acheter un livre implique le respect de la loi sur le droit d’auteur et aucune autre disposition contractuelle. Dans ce contexte, le rôle du respect des structures devient un argumentaire clé de la part des auteurs et éditeurs interviewés.

En plus de l’analyse sociologique précédente, il appert que l’œuvre protégée, comme élément unitaire du système social, comporte des caractéristiques économiques différentes de par sa nature « papier » ou numérique. L’œuvre numérique revêt, en économie, de caractéristiques fondamentale d’un bien public (non-rivalité et non-exclusion) tandis que le livre papier se comporte naturellement comme un bien privé (bien de consommation). Beaucoup des risques appréhendés par les intervenants du documentaire découlent de cette tension sur la nature économique. D’où l’intérêt des verrous numériques et autres mesures de protection technologiques. Ils ne sont que des clôtures autour des pâturages en accès libre.

Pour tout dire, la nature des relations (et des risques inhérents) entre les acteurs sociaux changent. La nature du lien entre l’œuvre et les agents change, ainsi que le comportement fondamental même de l’œuvre.

L’aspect particulier du Québec consiste en sa législation qui règlemente les relations entre les acteurs socio-économiques du livre. Loi qui est sujet d’actualité de par le prix unique et la règlementation à porter sur les livrels. Sans même se soucier de la question de la (re)commercialisation du patrimoine culturel (sujet paradoxal s’il en a un car la modalité préconisée par le Gouvernement du Québec est par le marché supporté par des subventions ciblées).

Conférence CultureLibre.ca Livre et édition Numérisation Québec

Google et les livres – à Montréal !

Marquez vous agendas : le 25 mars prochain sera présenté le documentaire Google and the World Brain dans le cadre du 32e Festival International des films sur l’art. Le documentaire de la BBC présente l’initiative de numérisation de livres par le géant d’Internet Google.

Après le documentaire aura lieu une table ronde à la Grande bibliothèque à 18h30 sur le thème La numérisation du livre : Menace ou progrès ? (événement 85).

La table ronde sera animée par Fabien Deglise du Devoir et sera composée de Me Hélène Messier, directrice générale de Copibec ; professeure Ysolde Gendreau à la Faculté de droit de l’Université de Montréal et votre humble blogueur Olivier Charbonneau.

Le coût du billet est minime (une dizaine de dolalrs) et permettra de financer un excellent festival, le FIFA.

Commerce et Compagnies Écoles Livre et édition Québec

Copibec se lance dans l'hébergement de contenu

Si je comprends bien le bulletin d’information de Copibec, l’agence de gestion de la réprographie (photocopie) au Québec offre maintenant accès à «plus de 1500 livres, ainsi que plusieurs revues dont certaines offrent des articles à la pièce, près de 200 articles sont d’ailleurs déjà en ligne».

Intitulé SAMUEL pour SAvoirs MUltidisciplinaires En Ligne, le système «rend disponible du contenu dans les limites des ententes signées avec Copibec. Dans le cas de livres, par exemple, seul un extrait peut être utilisé. Les articles et les photos peuvent, bien sûr, être utilisés dans leur entièreté.»

Le système est actuellement sous essai et sera graduellement déployé au début de 2014. Il semble que SAMUEL vise particulièrement le milieu scolaire.

S’agit-il d’un embryon d’une nouvelle bibliothèque numérique pour le québec ?

Bibliothèque nationale BL Droit d'auteur Europe Exceptions au droit d'auteur Livre et édition Préservation Réforme Utilisation équitable

L'Europe consulte, numérise

La Commission européenne a lancé hier une ronde de consultations pour la réforme du droit d’auteur de son « marché intérieur » – visant surtout à récolter des commentaires sur la Communication sur le contenu dans le marché unique numérique (IP/12/1394).

Au menu, selon le communiqué de presse, la consultation s’oriente autour de la territorialité dans le marché intérieur, l’harmonisation du droit d’auteur, les limites et exceptions au droit d’auteur à l’ère numérique et les moyens d’améliorer l’efficacité et l’efficience des mesures visant à assurer le respect de ce droit, tout en renforçant la légitimité de ces mesures dans le contexte plus large de la réforme du droit d’auteur.

Le document d’une trentaine de pages se présente comme une série de questions afin de récupérer les positions des concernés. Il faut dire que ledit document (format PDF ou MS Word, en anglais uniquement) laisse une large place aux exceptions et limitations au droit d’auteur (p.19-31), dont les questions sont d’importance capitale pour les institutions documentaires.

(Merci à Florence Piron pour le tuyau)

Déjà, le grand patron de la prestigieuse British Library signe une lettre dans le New Statesman invoquant le besoin de flexibilité dans le cadre règlementaire du droit d’auteur.

Cette intervention survient de concert avec l’annonce de la bibliothèque nationale de Norvège qu’elle numérisera TOUT les livres en norvégien (voir aussi ce billet de Fabien Deglise du Devoir). Il est intéressant de noter que les pays scandinaves ont innovés en matière du droit d’auteur en proposant des «licences étendues» où toute oeuvre participe par défaut à un régime de gestion collective.

Ce régime s’oppose à la gestion collective sur nos rives, où le titulaire doit (essentiellement ou inter alia) inscrire son oeuvre au registre. La participation par défaut de la licence étendue facilite grandement le travail de numérisation des institutions.

Google Jugement Livre et édition

La cour est catégorique: Google books est du "fair use"

La cour vient de livrer son jugement dans l’affaire opposant des auteurs de livres sous droit d’auteur et le géant de la recherche web Google. Ces auteurs s’opposaient au projet « Google Books » où des millions de livres en bibliothèque sont numérisés, indexés et dont de courts extraits sont diffusés par Internet pour répondre aux requêtes des Internautes.

Le jugement est absolument clair : cet usage est équitable et constitue du Fair Use , aucune redevance n’est requise par Google. À la page 16 du jugement :

The sole issue now before the Court is whether Google’s use of the copyrighted works is « fair use » under the copyright laws. For the reasons set forth below, I conclude that it is.

Voir aussi : ces billets sur le site du Washington Post ainsi que Ars Technica. Professeur Sam Trosow offre des liens vers certains documents livrés à la cour (amicus curae) dans le cadre de ce litige par l’American Library Association, l’EFF et d’autres.

Canada Livre et édition Médiation Québec Rapport et étude

Et si on doublait le nombre de lecteurs au Québec ?

Un article hier de La Presse + relève des études statistiques qui montrent que plus de la moitié des québécois n’ont pas les compétences en lecture nécessaires pour pleinement prendre part dans la société – et encore moins pour lire notre littérature nationale. Seuls le Nouveau Brunswick et Terre-Neuve font pire.

Selon Alain Dubuc :

19 % des Québécois sont au bas de l’échelle, ce qui donne 1,2 millions d’adultes qui, sans être analphabètes, ne peuvent décoder que des textes extrêmement simples. Cette proportion est très élevée. Elle n’est que de 15 % en Ontario, de 12,8 % en Australie, de 11,9 % aux Pays-Bas, ce qui place le Québec 20e sur 22 à l’échelle internationale devant l’Italie et l’Espagne.

On retrouve aussi au Québec une proportion élevée de citoyens, 34 %, qui sont au niveau 2, fonctionnels mais pas assez pour vraiment s’épanouir dans une société moderne. C’est ainsi que le Québec compte 53 % de ces citoyens qui n’ont pas les compétences souhaitables, soit 3,4 millions de personnes. Encore là, en tête de queue canadienne.

Cet écran a été partagé à partir de La Presse+
Édition du 11 novembre 2013, section DÉBATS, écran 4

L’article cite deux études, le Programme pour l’évaluation internationale des compétences des adultes (PEICA) del’OCDE ainsi qu’un rapport sur la littératie daté septembre du Conseil supérieur de l’éducation (pdf).

Et voici une idée : s’il y avait une institution publique, disponible sur tout le territoire, qui rend accessible la lecture et des services de pointe pour épauler l’accessibilité de la lecture et de la culture ? Serions-nous prêts à la financer et à lui donner les moyens humains, technologiques et juridique de réussir cette mission ?

Je me demande comment se porterai le milieu du livre si nous étions capable de doubler le nombre de lecteurs dans la Belle Province ?

Ajout le 2013-11-13 : À lire, cet excellent point de vue d’Éric Samson sur le blogue d’Urbania.

Canada Commerce et Compagnies Livre et édition

ONIX et la discrimination des prix

BookNet Canada, un regroupement d’éditeurs anglophones du Canada, offre une explication concernant la discrimination des prix pour les bibliothèques dans les métadonnées ONIX. Il s’agit d’un système par lequel les acquisitions en bibliothèques de livres électroniques peuvent être automatisées.

Parfois, il faut constater de petits changements presque anodins dans la technologie pour anticiper une mutation plus globale du marché.

Conférence États-Unis Livre et édition

Darnton sur les bibliothèques

Robert Darnton a été interviewé sur les ondes de TVO, la télévision publique ontarienne :

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Quelques notes de cette présentation de 25 minutes en anglais :
Les époques du livre:
1. L’écriture vers 4000 avant JC, avec l’alphabet vers 1000 avant JC ;
2. Le codex autour de l’époque de JC et l’émergence de la « page » comme unité de perception ;
3. L’impression à caractères mobile vers 1450
4. Internet en 1974 (ARPANET dès la fin des années 1960), le Web 1991, les engins de recherche, la présentation des résultats par pertinence algorithmique, les téléphones intelligents, médias sociaux…

Les bibliothèques sont encore plus pertinentes car elles sont des institutions citoyennes d’accès à l’information : par exemple, avec les problèmes économiques des quotidiens, les offres d’emplois sont maintenant dans Internet et plusieurs n’y ont pas accès à la maison. Les bibliothèques sont essentielles.

Commerce et Compagnies Diversité culturelle Livre et édition Québec

Ceci n'est pas un prix unique

Depuis le début de mon blogue, je suis fier d’appliquer une stricte politique du prix unique : zéro. Ainsi, je peux efficacement gérer la diffusion de mes écrits dans les chaînes de diffusions numériques, je laisse tout un chacun me piller librement, au grand plaisir de mon égo lorsque je compile mes statistiques.

Blague à part, il y a au Québec depuis hier des audiences de la Commission de la culture et de l’éducation autour du document intitulé : « Document de consultation sur la réglementation du prix de vente au public des livres neufs imprimés et numériques »

Il y eu un branle-bas similaire il y a une dizaine d’années

Voir aussi les textes du Devoir et spécifiquement celui de ce matin sous la plume de Frédérique Doyon. À la lecture de ce dernier texte, on croirait que la seule issue pour les librairies est le prix unique – sans quoi, c’est la ruine, peu importe les efforts.

De toutes évidences, on ne peut être que pour ou contre… comme cela se doit aujourd’hui dans le monde de Facebook (on aime ou on aime pas). Constatez cet échange entre Mario Asselin et Clément Laberge sur le blogue du premier. Et sur celui du second, voir ce billet qui pointe vers plusieurs réflexions pertinentes.

Personnellement, je me dégage de ce débat. Pas le temps, j’écris ma thèse (sérieusement). Mais je vais me permettre ces petites réflexions (quand même… je ne peux m’en empêcher).

Si je me souviens mes cours d’économie, si on augmente le prix d’un bien, la demande va diminuer, l’offre et la demande entretenant un lien inversé. Ceci dit, je suis bien conscient de l’intérêt que porte la science économique moderne vers d’autres outils d’analyse, comme l’analyse des transactions et l’école néo-institutionnelle (l’analyse de l’offre et de la demande découle de la doxa néo-classique de l’École de Chicago). J’en parlais justement récemment

Comme disait Ronald Coase (maître intellectuel de l’école transactionnelle) « If you torture the data enough, nature will always confess » (traduction libre: si vous torturez assez les données, la nature donne toujours une confession). C’est pour dire que selon la conceptualisation d’un problème ainsi que l’outil méthodologique appliqué, on peut diriger les résultats en notre faveur. Il convient donc toujours se demander si l’analyse appliquée aux fait évoqués permet de prendre une mesure normative appropriée.

Je suis ni pour, ni contre la mesure proposée (prix fixe dans tous canal de distribution pour 9 mois avec remise maximale de 10% en cette période). En fait, je suis indifférent. Cette indifférence découle de mon doute (dans le sens scientifique du terme) quant à l’impact de la mesure sur la vitalité à long terme des librairies indépendantes. J’aimerai bien plonger dans les données et la littérature de la question pour valider ces perspectives…. je n’ai pas le temps, voici un remue-méninges rapide de ce que je trouverai probablement:

Est-ce que l’imposition de structures de diffusion (variable indépendante) occasionnera une santé financière durable aux librairies indépendantes (variable dépendante) ?

L’école néolibérale aurait tendance à dire NON car, comme j’ai évoqué plus haut, si on augmente le prix d’un bien, la demande va diminuer.

L’école transactionnelle douterai sérieusement de la prémisse de départ mais, après un certain moment de réflexion, se demanderai pourquoi les éditeurs ne peuvent pas atteindre un résultat analogue par des contrats.

L’école néo-institutionnelle (celle que j’aime) ouvrirait l’analyse pour incorporer un modèle plus sociologique, plus ouvert. Dans ce contexte, il serait question de relation de pouvoir entre les auteurs, éditeurs, diffuseurs et librairies. On évaluerait les habitudes d’achat des consommateurs et l’offre commerciale émergente. On aurait un fun noir, mais l’étude ne serait pas concluante d’une manière significative… il faudrait s’en remettre à un comité qui proposerai une mesure semi-bancale comme… le prix unique du livre.

Je me questionne aussi de l’effet de la thèse shumpéterienne de la destruction créatrice inhérente du capitalisme et son effet positif sur l’innovation…. mais là, je ne me ferai pas d’amis…

Il faut dire que je suis très d’accord d’imposer le prix unique du livre aux bibliothèques relevant de l’État (sauf les universités, qui doivent êtres libres dans leurs approvisionnements – après 10 ans comme bibliothécaire dans une université, je sais que les livres que j’achète pour mon institution ne sont simplement pas en librairie locale). Cette mesure est en place depuis 1981 et l’effet stabilisateur est bien recensé et accepté. Voir, inter alia, ce chapitre d’une étude de 2008 du gouvernement fédéral: La distribution de livres et la Loi 51 au Québec. Vivement le plan Vaugeois !

En bout de ligne, je souhaite plein de succès à tous ceux et celles qui s’engagent dans cette belle aventure. Je vous laissent avec une citation de Hesse, que je venais juste d’inclure dans ma thèse et qui m’a fait penser à la question du prix unique du livre :

« Those legal thinkers who sided with the objectivist position of Condorcet elaborated the utilitarian doctrine that there was no natural property in ideas, and that granding exclusive legal rignts to individuals for unique forms of their expression could only be justified because such an arrangement was the best legal mechanism for encouraging the production and transmission of new ideas, a manifest public good. Conversly, those who sided with Locke, Young, Diderot, Fichte, and the subjectivist camp argued that there was a natural rignt to perpetual property in ideas and that legal recognition of that right was simply the confirmation in a statute of a universal natural right.  »
CARLA HESSE, «The rise of intellectual property, 700 B.C.—A.D. 2000: an idea in the balance», (2002) 131 Daedalus , p.36

Plus ça change, plus c’est pareil !