Je termine en soulignant que la firme Nordicity est mandatée par la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC) pour «mener une étude sur les dynamiques entrepreneuriales et les évolutions des pratiques contractuelles dans le secteur de la musique au Québec.» La SODEC gère des programmes de financement pour l’industrie musicale. Guillaume Déziel souligne que 80% des artistes sont auto-gérés, donc, ne se qualifient pas dans les termes des programmes. La présentation d’Alain Deneault offre une perspective critique du modèle industriel de l’art…
Le Conseil québécois du théâtre (CQT) a lancé hier un dossier intitulé intitulé Le droit d’auteur à l’ère du numérique. Celui-ci propose deux entrevues et une «chronique» de leur comité numérique. Une lecture très pertinente pour comprendre les transformations en cours sur le monde des arts vivants.
Par exemple, la chronique du CQT soulève les modifications des législations sur le statut de l’artiste, surtout en ce qui concerne les cadres de rémunérations édictés en lien avec la webdiffusion. J’ai noté, par ailleurs, que le Comité indique que la plateforme Smartsplit peut s’appliquer au théâtre. Pour l’anecdote, Smartsplit est une initiative du domaine musical afin d’inscrire les métadonnées juridiques d’une oeuvre dans une chaîne de blocs, pour en faciliter la répartition des revenus. J’ai d’ailleurs co-écrit un article sur les chaînes de blocs et du droit d’auteur avec l’un des instigateurs de ce projet, Guillaume Déziel, avec l’incontournable Me Érika Bergeron-Drolet.
Le Comité pose cette épineuse question, qui semble toucher un nerf sensible partout où il est question du numérique :
L’une des questions-clé qui se posent encore, même en phase de relance, est la suivante: de quelle façon peut-on calculer la valeur du droit d’exploitation lorsqu’on passe de la scène à la diffusion web ?
Sans toutefois y répondre, le Comité évoque soit un modèle de paiement d’un montant forfaitaire en amont, soit un partage des flux monétaires selon une «licence pour un certain montant, pendant une période déterminée, dans un territoire, sur un support et pour un type d’utilisation spécifique.» (p.3)
D’ailleurs, il y est également question du rôle des revenus venant des subventions dans la répartition équitable des droits ainsi que de la notion de responsabilité sociale.
Mise à jour de la matrice pour le plan du livre… vous savez, ce carnet de recherche est un outil pour organiser mes pensées, pratiquer mon écriture et puis heu, « parler à voix haute » des idées qui m’animent. C’est pas grave si vous ne comprenez pas, ce texte n’est pas pour vous, c’est pour moi. La photo représente la «version» du plan que j’ai actuellement sur mon bureau. Ici-bas, une révision : Matrice de la culture libre, version 2021-11-24
Le 28 septembre 2021, la plateforme OpenUM de l’Université de Montréal tombe sous la cible de cyberpirates. Lancée par le Centre de recherche en droit public plusieurs années auparavant, le système héberge plus d’une centaine de carnets de recherche renseignés par des membres de la communauté universitaire. L’objectif de l’attaque est de recevoir rançon pour le rétablissement des données ravies.
Ce n’est pas la première fois que le carnet d’Olivier se voit assaillir par des cyberpirates. Outre les robots polluposteurs qui sévissent sans relâche sur les champs des commentaires, son site fut compromis à ses débuts. L’enjeu aujourd’hui était autre, les près de 2500 billets résultant de plus de 15 ans de travail volatilisés. Mais il y avait tout de même matière à se réjouir.
Communauté, ressource, contexte : cet acte de piraterie démontre une valeur, l’objet numérique OpenUM, système d’hébergement d’un vaste corpus scientifique francophone, a attiré l’attention d’un prédateur numérique. Il était donc mûr pour sortir de l’ombre et entrer dans le grand monde numérique, avec les exaltations et écueils qui viennent avec.
Lancé en 2005, CultureLibre.ca se veut un carnet de recherche, un espace numérique où des idées et des textes trouvent une première vie. Jeune bibliothécaire, Olivier y dévoile son cheminement intellectuel et professionnel dans l’appropriation des enjeux juridiques de l’environnement numérique.
La culture libre désigne une hypothèse de l’univers numérique, celle de mobiliser – ou mettre à disposition dans Internet – une oeuvre ou un corpus sans contraintes économiques, technologiques ou juridiques. La mobilisation désigne, quant à l’oeuvre ou au corpus, autant l’accessibilité, soit par un marché, soit par d’autres moyens légitimes, équitables ou institutionnels, que sa préservation. La culture libre n’est pas gratuite en amont de la chaîne de diffusion mais le devient lorsqu’elle est mobilisée par Internet.
Notre essai vise à explorer diverses tensions symboliques, stratégiques ou structurantes des enjeux juridiques de la transformation numérique des domaines artistiques, culturels, créatifs et de la communication au Québec et au Canada. Le droit s’introduit là où il y a sociologie, économie, génie ou gestion…
Notre plan vise la sélection et l’arrangement de concepts pertinents pour chacun de ces thèmes afin de soutenir et bonifier les efforts menés par les agents économiques et les acteurs sociaux.
À cette fin, nous posons quatre éléments de notre modèle desquels nous tissons notre plan, les règles, les objets, les sujets et les interactions.
Règles
Distinction entre règles et stratégies. Positivisme/jusnaturalisme et pluralisme juridique. Les règles inhérentes et émergentes des environnements socio-économiques. Cybernétique juridique: droit de propriété fort comme information; exceptions flexibles comme rétroaction; institutions pérennes comme entropie négative
Interdiction: Ce que le droit nous empêche de faire. Continuum de l’interdiction, avec nos excuses pour Hohfeld: “privilege, claim, power, and immunity”
Exclusion: Ce que l’on peut empêcher les autres de faire. Propriété intellectuelle, droit à l’image, renseignements personnels… Droit de propriété sont des mécanismes d’exclusion privés et d’un autre ordre que les interdiction
Liberté: la mise à disposition comme grande nouveauté d’Internet. Légitimité d’agir face à la propriété d’autrui : posséder un droit vs. avoir le droit.
Plateformes: lieu symbolique, stratégique et structurant qui permet de certifier des interactions entre agents/acteurs et objets dans un environnement donné. Cette certification mène à l’émergence de nouveaux flux d’information, de valeur et de pouvoir. Ces trois éléments sont, en fait, la même chose, mais exprimés selon des termes issus de disciplines distinctes, soit, respectivement, la bibliothéconomie, l’économie et la sociologie. Le juridique, science plus ancienne et patiente que celles-ci, permet une harmonisation conceptuelle. Les plateformes sont la manifestation des dimensions socioéconomiques des réseaux: masse critique et externalités
Objets
Documents, objets protéiformes et évolutifs. Collections en bibliothéconomie, fonds en archivistique et artéfacts en muséologie. Oeuvres protégées par droit d’auteur. publication vs manuscrit vs mise à disposition. Versions, alterations… Axes « reproductibilité » et « marché » et « diffusabilité » et « chronodégrabilité » et « résolution » etc. Les distinctions s’estompent.
Corpus: compilations de documents et d’autres éléments:
péritexte: textes qui complètent le texte
intratextuels: tables, index
extratextuels: glossaires
épitexte: textes qui ont trait à un texte
Données: en droit d’auteur: faits et compilations de faits; originalité dans la sélection et l’arrangement / talent jugement et effort. Renseignements personnels aussi. À l’unité, valeur économique négligeable; dans l’ensemble, richesse énorme
Liens: données ouvertes liées
Algorithme: Turing et la théorie des machines pensantes, une nouvelle façon de générer de la valeur (intelligence artificielle). Corpus + méthodes d’analyse + paramètres d’analyse + moyen de transcrire = pensée
Sujets
masse critique, effet réseau, force de connexion à un objet hautement central. les théories des réseaux imposent une conception axiomatique de l’univers numérique (“scale free” & “small world”). La conséquence, souvent observée, est que le pouvoir est facilement centralisé et les risques sont tout aussi aisément externalisés dans un système social.
Transactions: Interventions dans les relations privées. Licences, sociétés de gestion collective, automatisation des échanges de droits et deniers. Statut de l’artiste
Consentement: ça se passe par contrat. Métadonnées juridiques
Interactions
L’interaction est le moment structurant, symbolique et stratégique pour effectuer une certification: Acte de valider et de mettre en contexte des objets ou des sujets par une plateforme. Moment juridique, socio-économique, technologique par excellence. Créer du lien.
Standards: rôle structurant de la technologie.
Métadonnées: Rôle symbolique des institutions dans la contextualisation. Dépôt légal pour capturer la création.
Autorité, authenticité, confiance: décentralisation par les chaînes de blocs. Centralisation par les algorithmes.
Gouvernance: stratégique des organisations: Marché/firme [miroir numérique] communs-fiducies/IA
Récursion (sic)
Définir les relations ou liens entre objets et sujets. Cycles de vie. Certification. Métadonnées juridiques, gouvernance, certification/plateforme. La dualité coasienne: la firme et le marché sous le prisme du miroir de Gelernter: les algorithmes et les communs. Conversation entre Coase, Hayek, Turing, Ostrom…Les approches conceptuelles à approfondir: cyberféminisme, identités autochtones, théories ludiques…
Connaissez-vous Ronald Coase ? Il s’agit d’un économiste de « l’École de Chicago » qui a reçu le prix de la Banque de Suède en 1991, aussi connu comme le prix Nobel d’économie pour ses travaux analysant les dynamiques des marchés. Comprendre Coase fut pour moi l’occasion d’approfondir mon appréciation pour les revendications de certains groupes dans les secteurs artistiques, culturels, créatifs et de la communication gouvernés par le droit d’auteur.
Dans un article daté de 1937, Coase explore la question des coûts de transactions pour déterminer comment les agents économiques choisissent d’organiser les échange de biens ou services. Si les coûts de transaction sont élevés, les agents économiques opterons d’organiser leurs activités à l’intérieur d’une firme. Si les coûts de transactions sont bas, c’est le marché qui prime.
À cette théorie des coûts de transaction, Coase ajoute une dimension en 1960 : les coûts d’information, surtout en ce qui concerne les droits de propriété. Plus il est difficile de déterminer et de mobiliser un droit de propriété, plus les externalités sont grandes et les risques sévères. Inversement, un droit évident réduit le bruit.
Si j’ose dire, ces deux dynamiques sont les forces élémentaires du système économique néolibéral : réduire les coûts de transactions tout en éliminant les coûts d’information pour tendre vers un marché fluide. Il s’agit aussi de ce qui rend les plateformes numériques aussi attrayantes…
J’ai découvert les travaux de Coase grâce aux écrits de Yochai Benkler, qui a exploré le modèle Coasien dans ses textes sur les logiciels libres. Benkler travaille, entre autre, sur «l’économie en réseau » du point de vue juridique (ou le network economics pour celles et ceux en France), qu’il applique à divers domaines dont la collaboration industrielle et l’univers médiatique.
Bref, l’organisation industrielle dans cette veine se résume à analyser deux éléments structurant : les marchés et les firmes. Les outils analytiques coasiens reposent sur les coûts de transaction et d’information. Cette simplification honteuse mais à tout le moins efficiente permet de poser le rôle de la transformation numérique dans les dynamiques inhérentes.
Vous allez dire que le titre de ce billet est un clin d’oeil à Lewis Carroll et à sa suite d’Alice au pays des merveilles. Mais non, il s’agit d’une référence au livre de David Gelernter intitulé Mirror Worlds: or the Day Software Puts the Universe in a Shoebox…How It Will Happen and What It Will Mean. J’ai brièvement parcouru ce livre lors de mes travaux doctoraux mais cette idée d’image miroir du numérique m’a marqué. À l’époque, je n’étais pas au fait des propos anticonformistes de Gelernter.
À l’image miroir du numérique de Gelernter, il faut ajouter un autre élément économique : le zéro. Sur ce point, je remercie Charles Seife pour sa biographie absolument fascinante de ce concept, surtout l’aspect absolument tardif de son introduction dans la société occidentale. D’ailleurs, saviez-vous qu’au milieu du 17e siècle, l’État français employait encore les chiffres romains dans l’administration de ses deniers ? Blaise Pascal a même développé une machine pour transcrire en devise à l’époque (combien de sols dans une livre ou une toise) afin d’en faciliter la transcription en chiffres romains, selon la biographie d’André Le Gall.
Le numérique introduit une image miroir de notre univers, dont la particularité très contemporaine serait de faire fondre les coûts (information/transaction), quitte à les faire tendre vers zéro. Pour une analyse des répercussions de cette réalité économique en droit de la compétition, je vous recommande fortement le livre de Joëlle Toledano, Gafa : reprenons le pouvoir! . Voir aussi Surveillance capitalism de Shoshana Zuboff sur l’échange faustien entre les plateformes et nous, dans l’échange de nos renseignements personnels pour ces services « gratuits » (sic).
Le miroir, ou prisme, numérique permet de transcrire les théories de Coase à la lumière du « zéro » coût. Que deviennent donc les firmes et les marchés? Ma réponse est simple: des communs (ou communautés) et des algorithmes (ou dans le langage populaire, des intelligences artificielles). Ce qui donne le tableau suivant : Transcription des théories Coasiennes au miroir numérique
Coûts non nuls «n»
Coûts qui tendent vers «0»
Marchés
Communs, communautés basées sur les licences libres
Firmes
Algorithmes, intelligences artificielles
L’intérêt de cette approche repose sur la cohérence théorique entre diverses approches théories complémentaires liés aux communs et aux algorithmes.
Débutons par les communs. Les approches théoriques d’Élinor Ostrom quant aux communs de la connaissance deviennent un objet s’insérant dans les perspectives de Coase, surtout si l’on réconcilie le mouvement global vers le libre accès aux données et articles savants. Dans ce modèle, les Universités sont des firmes, certaines, mais leur rôle serait de permettre d’externaliser les coûts de production dans l’élaboration d’un savoir ou, plus globalement, de l’innovation, afin que puissent émerger des transactions à coût nul pour soutenir des communs de la connaissance.
Les algorithmes, quant à eux, sont des entités à saveur monolithiques qui produisent un résultat non évident et parfois pertinent. À ce sujet, il faut se plonger dans les idées d’Alan Turing et de sa « machine à papier » – une sorte d’entité répliquant la pensée. Comme porte d’entrée, je vous suggère fortement ce merveilleux texte, accessible et ludique, de Giuseppe Longo (une version en libre accès est diffusée dans l’indispensable dépôt HAL). Succinctement, un machine à Turing nécessite d’un corpus, d’un algorithme, de paramètres pour les variables de l’algorithme et d’instructions pour se propager. Il s’agit du meilleur exemple d’une firme qui a passé l’autre côté du miroir numérique.
Dans les deux cas, il semble y avoir une passage obligé par le plateforme: ce lieu symbolique, stratégique et structurant qui permet de certifier des interactions entre agents/acteurs et objets dans un environnement donné. Cette certification mène à l’émergence de nouveaux flux d’information, de valeur et de pouvoir. Ces trois éléments sont, en fait, la même chose, mais exprimés selon des termes issus de disciplines distinctes, soit, respectivement, la bibliothéconomie, l’économie et la sociologie. Personnellement, j’ai choisis d’étudier les sciences juridiques comme perspective théorique car ces trois domaines tissent de fortes racines dans la science ancienne du droit. Elles sont, en quelque sorte, des dérivés plus contemporaines.
L’intérêt d’une approche juridique, ainsi que l’exploration des théories Coasiennes est double: réfléchir aux théories socioéconomique existantes pour les confronter aux réalités contemporaines – soit faire du neuf avec du vieux ; puis harmoniser ou faire converger des théories qui existent dans des parallèles intellectuels similaires mais distincts. Vive les humanités, vive le numérique !
Je tiens à féliciter l’équipe du CQÉMI pour le lancement de leur nouveau site Internet : https://www.cqemi.org/fr/
Plusieurs rubriques y sont disponibles, comme une section Boîte à outil. Cette section propose des ressources éducatives libres sur des thèmes importants, dont la vérification des faits et la liberté d’expression.
Le libre accès est une méthode de diffusion pour une oeuvre numérique qui implique une mise en ligne à titre gratuite, contraintes tant juridiques que technologiques. Exit les limitations des licences propriétaires ou les verrous numériques. Mais cette approche question se pose : quel sont les modèles possibles de financer une telle approche ? Quel est l’impact escompté ?
Il y a plusieurs dimensions à ces questions. En premier lieu, le libre accès est un thème récurent dans l’édition scientifique, tant pour les revues édités par les pairs que les monographies. D’ailleurs, plusieurs groupes du milieu des bibliothèques proposent des ressources à leurs membres ou à la communauté à cet effet. Au Canada, notons l’excellent partenariat Coalition Publi.ca.
En fait, qui s’intéresse à la question de l’accès libre est rapidement submergé dans une vague déferlante d’information traitant du milieu académique, scientifique ou savant. Qu’en est-il du domaine (ou industrie) de l’édition littéraire et du libre accès ?
Pour un aperçu de l’univers littéraire numérique au Québec, certaines adresses sont incontournables. Débutons avec le très pertinent Édition Mammouth Numérique, qui livre sous format blogue une veille sectorielle. Ensuite, le plus récent mais non moins ambitieux le Carnet de la Fabrique Numérique est une initiative du laboratoire ExSitu de l’Université Laval (auquel je participe accessoirement par le projet Littérature Québécoise Mobile). D’ailleurs, il est essentiel de souligner l’important répertoire Opuscules lorsqu’il et question de littérature numérique au Québec !
J’oublie certainement quelques sites et initiatives, n’hésitez pas à me les souligner dans les commentaires…
Le blogue InfoJustice.org recense la mise en ligne des résultats d’une étude comparative des exceptions au droit d’auteur dans divers pays à travers le globe :
Dans leur étude, Flynn, Palmedo et Izquierdo traitent des domaines suivants:
Open research exceptions
Restrictions of Research Uses to Quotation and Excerpts
Restrictions on Uses, Works and Users
Restrictions on Sharing
Restrictions to Private Reproduction
Restrictions to Institutional Users
Restrictions on Types of Works
Fait intéressant à noter, cette étude utilise la base se donnée en libre accès compilée par l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle WIPO LEX qui
donne accès à titre gracieux à des informations juridiques relatives à la propriété intellectuelle dans le monde entier. Effectuez une recherche dans la base de données WIPO Lex pour accéder à 49000 documents juridiques dans nos collections de lois, traités et jugements.
Par ailleurs, les auteurs mentionnent le travail d’une équipe qui a produit une étude similaire dans le passée, sans la nommer. Je tiens à souligner l’excellent travail de Kenneth Crews (que j’ai eu l’énorme plaisir de rencontrer lorsque je siégeais sur le « Comité sur le droit d’auteur » de l’IFLA il y a une dizaine d’années). L’étude de Dr. Crews porte sur les exceptions mondiales au profit des bibliothèques.
La culture libre désigne une hypothèse de l’univers numérique, celle de mobiliser – ou mettre à disposition dans Internet – une oeuvre sans contraintes économiques, technologiques ou juridiques. Dans le cadre de leur collaboration pour l’élaboration d’un essai sur ce thème ainsi que les enjeux juridiques de la transformation numérique, Olivier Charbonneau et Marjolaine Poirier proposent d’enregistrer certains segments de leurs réunions de travail. Les thèmes explorés gravitent autour du droit d’auteur, du droit à l’image, de la gestion des renseignements personnels et de la vie privée, du statut de l’artiste et autres cadres de gouvernance juridique du numérique. La cadence anticipée est une fois par mois.
Ressources nécessaires
Nous cherchons un accompagnement pour les efforts nécessaires pour la post-production et la diffusion, notamment la manipulation des fichiers audio enregistrés, l’élaboration d’une identité visuelle et sonore ainsi que l’hébergement sur une ou des plateforme(s) pertinentes.
Le saviez-vous, novembre est le mois « national » (sic) pour écrire un roman ? C’est sous cette bonne étoile que je fais table rase pour plonger à fond dans l’écriture de mon essai.
Il faut dire que je travaille sur le projet depuis plusieurs années (ahem), toujours déraillé par des cas de force majeure dans ma vie… comme mes obligations professionnelles, familiales et hédonistes. Mais là, tsé, j’arrête de le dire et je l’écris !
Pour arriver à l’écrire, ce fameux bouquin, il faut un plan. Je vais reprendre une très vieille idée sur laquelle je travaille depuis une décennie pour organiser mes idées. Il s’agit du «cadre de la diffusion de la collaboration» que j’ai mobilisé pour un mémoire en droit en 2008. Dans ce mémoire, j’explore comment mettre en oeuvre les concepts du contenu généré par les utilisateurs pour enrichir une archive ouverte de lois et jugements. À l’époque, j’étais membre de l’équipe LexUM, dans le temps où ce groupe était un laboratoire universitaire qui s’occupait de CanLII. Voici une synthèse visuelle de ce cadre :
Source: La jurisprudence en accès libre à l’ère du contenu généré par les usagers [Mémoire de maîtrise en droit], Université de Montréal, 2008, p. 21
J’ai poursuivi la réflexions (évidemment) lors de mes efforts doctoraux au Centre de recherche en droit public de l’Université de Montréal. Le concept que j’ai retenu pour le doc est «l’émergence» dans les systèmes socioéconomiques d’oeuvres numériques protégées par le droit d’auteur…. mais l’idée est là. Quels sont les éléments fondamentaux de tout système socioéconomique ? Quelles sont les interactions et qu’est-ce qui émerge de ce(s) système(s) ? Comme vous vous en doutez certainement, je suis cybernéticien.
Les éléments de mon modèle apparaissent déjà en 2008 : il y a des «objets» représentés par l’icône «document»; des «sujets» représenté par l’icône du personnage en bâton (vous constatez l’étendue de mon talent artistique) et quatre relations génériques représentés par des flèches. Celles-ci peuvent représenter des flux monétaires, des vecteurs juridiques (contrats), des contributions intellectuelles…
Comme je l’explique dans mon mémoire de 2008 :
[62] Ainsi, la figure humaine représente les agents d’un système, qu’ils soient les usagers d’O’Reilly ou les émetteurs et récepteurs de McMillan ou Richards. Puis, l’image d’un document représente le contenu du système, qu’il soit un espace sémantique de Hendler et Golbeck ou encore, une classe documentaire du modèle classique du Web Sémantique. Le vecteur de l’agent vers le document représente une action d’écriture, tandis que le vecteur inverse invoque la lecture (ou consommation), comme l’évoque Kiousis. Par ailleurs, la relation récursive des agents représente les échanges (Web 2.0) et autres conversations tandis que la même relation liant le contenu invoque les liens technologiques, sémantiques ou relationnels des instances des classes documentaires. [63] Notre modèle propose donc deux classes d’objets: les agents et les documents. Ces deux classes d’objets interagissent grâce à quatre relations : la lecture et l’écriture; puis les échanges et les référencements. Nous proposons ce modèle simplifié de l’interactivité afin d’évoquer la« générativity »possible d’un système reposant sur des technologies d’Internet. Il constitue notre cadre d’analyse afin d’explorer notre question de recherche.
Je tiens à souligner à mes éditeurs que le but du chercheur universitaire paresseux efficient est de faire du neuf avec de vieilles idées…
Depuis, j’ai creusé à fond ces idées dans ma thèse doctorale. Je ne vous relate pas (encore) comment mes ides ont évoluées lors de ces efforts (je dois me garder du matériel pour la suite de mon travail). Je vous livre donc l’état des choses aujourd’hui, ce sur quoi je vais plancher dans mon livre.
Donc, mon modèle, tel que je l’expose actuellement, les systèmes socioéconomiques sont (toujours) composés d’objets (ou, dans mon cas, de documents) et de sujets (ou, selon votre discipline académique, des personnes, des agents ou des acteurs sociaux). Les flèches existent toujours, mais j’en propose deux classes : les règles, un amalgame de ce que Laurence Lessig (1999, p. 88) identifie comme les normes et la loi, puis interactions, pour grouper le marché et l’architecture de Lessig (ibid). Il y a bien sûr d’autres sources intellectuelles à ces concepts… alors je saute beaucoup de citations…
L’idée est d’arriver à une approximation du modèle cybernétique standard, qui est composé de trois éléments: l’information, la rétroaction et l’entropie. Pour ma part, je propose, en ordre, les objets/sujets, les règles et les interactions. Il va sans dire que j’espère vous expliquer en détail ce modèle !
Pour le faire, je vais le mettre en relation avec lui-même. Si mon modèle était une matrice d’une dimension à quatre éléments, j’en fait le carré pour obtenir une matrice 4 x 4. Chacune des «cellules» devient un chapitre de mon livre… vous allez dire que je me complique la vie… hé bien, je vous répond que l’hiver Canadien est tout aussi rigoureux que long, alors je me réchauffe les mains en soufflant sur de chauds concepts !
Alors, la matrice résultante de mon livre s’exprime ainsi:
x
Règles
Objets
Sujets
Interactions
Règles
Objets
Sujets
Interactions
Il ne suffit que de remplir chaque chaque case avec un thème pour chaque chapitre. Je ne suis pas certain que cette matrice sera le plan final de mon livre. Ceci dit, l’exercice me permet de places mes idées et de travailler sur la relation entre celles-ci.
Voici la matrice avec quelques bribes d’idées pour une matrice de la culture libre :
x
Règles
Objets
Sujets
Interactions
Règles
Interdiction
Exclusion
Liberté Mise à disposition
Plateformes
Objets
Corpus
Données
Valeur
Algorithme
Sujets
Contextes
Transactions
Espace public
Consentement
Interactions
Certification
Métadonnées
Autorité
Gouvernance
Les intitulés présenté dans la première colonne sont des méthodes, appliquées sur les intitulés indiqués sur la première ligne. Les cellules du tableau se lit ainsi, par exemple, pour chaque élément suivant
(4,1) les règles appliquées aux interactions donnent des plateformes
(2,3), les sujets appliqués aux objets donnent des transactions
(1,4) les interactions appliqués aux règles donnent la certification
et ansi de suite
Enfin, c’est un peu fou tout ça mais c’est comme ça que mon cerveau fonctionne ! En réalité, cette approche est purement humaniste car elle ne présuppose pas que je puisse ordonner chacun de ces éléments selon une relation de dépendance. Dans les sciences sociales ou pures, chaque discipline offre (impose!) un lot de relations entre des variables qui sont acceptées comme pertinentes par l’état de la science. Les humanistes n’ont pas ce luxe : il faut tout mettre en relation car notre discipline est trop complexe pour réellement offrir un cadre conceptuel cartonné d’avance. C’est pourquoi j’offre cette approche conceptuelle en matrice, où les éléments sont multipliés ensemble. C’est ma manière d’être exhaustif dans le contexte complexe des sciences humaines.
Pour dire que mes collègues des sciences sociales et pures ont la vie facile…